portrait2 (1)« Je suis passée du Culturel à la culture de légumes »
, s’amuse Emmanuelle.
A 29 ans, la jeune femme, a laissé les métiers de la communication associative, culturelle et environnementale, pour se lancer dans le maraîchage biologique en Bretagne (Ille-et-Vilaine).

En tant que femme, non issue directement du monde agricole [pas par ses parents], s’installant sur une exploitation considérée par beaucoup comme « peu rentable », elle avait conscience des obstacles qu’elle allait devoir affronter.  

Premier sésame en poche : son bac pro Responsable d’exploitation agricole. « Si les connaissances techniques s’acquièrent sur le terrain, explique-t-elle, la formation enseigne la comptabilité. Je me disais : il faut penser à la rentabilité, tu n’es plus jardinière, tu es maraîchère. Sans compter que la formation est un passage obligé qui permet, entre autres, aux non-agriculteurs d’accéder au foncier. »

Son projet se concrétisant, les réactions dans son entourage ne se font plus attendre. Elle se souvient de celles et ceux « qui faisaient de grands yeux » de surprise mais aussi parfois d’incompréhension. « La peur que ce soit trop dur pour moi physiquement. Cela voulait dire : tu vas te casser le dos, tu es mieux derrière un bureau. Mais un bureau aussi ça casse le dos. » Et Emmanuelle a envie « d’avoir les mains dans la terre. Je ne supportais plus d’être en intérieur ». Pour certains membres de sa famille, issus du monde agricole, les métiers du Tertiaire représentent, encore aujourd’hui, la modernité et son retour à la terre à elle est vu comme… « un retour en arrière ».

Ses amis, sa génération, se montrent au contraire « plus optimistes ». Même si chez certains de ses copains agriculteurs, une femme qui se lance seule c’est toujours « un peu intriguant », différent du modèle classique de la conjointe qui rejoint son mari sur l’exploitation. « En tant que femme, j’ai ce sentiment, malgré le soutien que je reçois… que je suis plus attendue au tournant ».

Déterminée, prudente et réaliste

C’est décidé elle cultivera des légumes racines tels que les oignons et les carottes. « Pas les plus simples, reconnait-elle. Mais ils se conservent longtemps. » Emmanuelle accèdera à deux hectares et demi d’ici 2020, grâce au portage foncier. Ce système permet de laisser un temps d’installation, souvent de deux à dix ans, selon la surface de l’exploitation. Que ce soit dans le domaine agricole ou industrielle, il facilite l’acquisition de réserves foncières et leur financement en lissant les charges dans le temps. La jeune agricultrice accède à une petite surface et en deux ans, elle pourra donc acheter les terres qu’elle exploite déjà et d’autres, si elle le désire. Le temps, pour elle, de finaliser son plan d’entreprise et de tester sa viabilité.

Pour accéder à ces terres, elle est passée devant la Safer – Société d’aménagement foncier et d’établissement rural – un organisme français d’accompagnement à la vente et à l’achat de terrains agricoles. « Pour ces hectares nous étions cinq candidats. Face à moi, quatre hommes, profil céréalier avec de l’expérience. J’étais une femme, enceinte avec un bide énorme (rire), sans plan d’entreprise complètement établi, en agriculture biologique, donc pas aussi rentable tout de suite maintenant… Mais je suis tombée sur une personne moderne et ouverte. Ma force c’est que je connaissais bien les personnes de la bio dans la région. L’agent de la Safer voulait installer quelqu’un en bio qui connaît son territoire pour générer de l’entraide dans ce domaine. » Deuxième sésame en poche et l’aventure d’Emmanuelle peut démarrer !

Visant la vente directe mais consciente des réalités du métier et de la jeunesse de son exploitation, elle mise, dans un premier temps, sur l’achat-revente. « Je ne veux pas me décrédibiliser en construisant dès maintenant un hangar si je n’ai pas assez de légumes à y vendre ». Au départ, elle produira donc ses légumes et ce sont des agriculteurs locaux qui les commercialiseront, avant de pérenniser sa ferme, d’investir dans du matériel, et de se charger, elle-même, de la vente de ses produits.

La jeune femme sait dans quelle aventure elle a mis les pieds : la sienne, belle mais pas sans risque. « Je ne vais pas avoir de rentrées de salaires pendant un moment. Avec mon conjoint, on a donc diminué beaucoup de postes de dépenses notamment essence et automobile. On compte sur le fait que je ne doive plus me déplacer en voiture quotidiennement comme avant quand j’étais dans la communication. Mais aussi en nourriture en s’approvisionnant, en grande partie, de mes propres productions et de notre jardin. » Pour une vie de famille au plus près de la nature et en accord avec son militantisme écologique.

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